Concours de la Force Publique pour Expulsion : Procédure Complète
Publié le 25 octobre 2025
Le délai de 2 mois accordé par le commandement de quitter les lieux est expiré, mais votre locataire refuse toujours de libérer le logement. L'étape suivante est cruciale : demander le concours de la force publique au préfet. Cette autorisation permet à l'huissier de procéder à l'expulsion physique avec l'assistance des forces de l'ordre. Sans cette aide, l'huissier ne peut pas pénétrer dans le logement pour en expulser les occupants. Comprendre cette procédure administrative vous permet d'anticiper les délais et d'optimiser votre stratégie de récupération du bien.
Qu'est-ce que le Concours de la Force Publique ?
Le concours de la force publique est l'autorisation administrative accordée par le préfet du département qui permet à l'huissier de justice de faire appel aux forces de l'ordre (police nationale ou gendarmerie) pour procéder à l'expulsion physique d'un locataire récalcitrant.
Cette étape est indispensable lorsque le locataire refuse de quitter volontairement le logement après l'expiration du délai du commandement de quitter les lieux. L'huissier ne dispose pas du pouvoir de forcer l'entrée d'un domicile ou d'expulser physiquement des occupants sans cette assistance policière.
Fondement juridique
L'article L. 433-1 du Code des procédures civiles d'exécution pose le principe : "À défaut par le débiteur de s'exécuter volontairement, l'autorité administrative prête son concours à l'exécution forcée". Ce concours n'est pas automatique : il nécessite une demande formelle de l'huissier et une décision expresse du préfet.
Le préfet dispose d'un pouvoir discrétionnaire encadré : il doit apprécier la nécessité et la proportionnalité de l'expulsion au regard de la situation concrète du locataire. Toutefois, ce pouvoir ne lui permet pas de remettre en cause le bien-fondé du jugement d'expulsion, qui relève exclusivement de l'autorité judiciaire.
Différence avec l'expulsion amiable
Tant que le locataire accepte de quitter volontairement, même après l'expiration du délai du commandement, l'huissier peut procéder à l'expulsion sans concours de la force publique. Il suffit que le locataire ouvre la porte et accepte de remettre les clés.
Le concours n'est nécessaire que si le locataire refuse de laisser entrer l'huissier, s'enferme dans le logement, oppose une résistance physique, ou est absent et ne répond pas malgré les convocations. Dans environ 60% des cas, l'expulsion se déroule sans nécessiter l'intervention effective des forces de l'ordre, leur simple présence suffisant à convaincre le locataire de coopérer.
Quand et Comment Demander le Concours ?
Conditions préalables obligatoires
La demande de concours ne peut être formulée qu'après réunion de trois conditions cumulatives :
1. Jugement d'expulsion définitif ou exécutoire : Le jugement doit être soit devenu définitif (délai d'appel expiré sans recours), soit assorti de l'exécution provisoire. Depuis 2020, l'exécution provisoire est automatique pour les expulsions liées aux impayés de loyer.
2. Commandement de quitter signifié : L'huissier doit avoir signifié au locataire un commandement de quitter les lieux mentionnant le délai de 2 mois minimum pour libérer le logement.
3. Expiration du délai pour quitter : Le délai de 2 mois (ou le délai supérieur accordé par le juge) doit être entièrement écoulé. La demande déposée avant l'expiration du délai sera rejetée d'office.
Si l'une de ces conditions fait défaut, le préfet refusera systématiquement le concours et la demande devra être reformulée après régularisation, ce qui entraîne un retard de 1 à 3 mois supplémentaires.
Procédure de dépôt de la demande
La demande est formalisée par l'huissier de justice en charge de l'expulsion. Le propriétaire n'a aucune démarche à effectuer directement auprès de la préfecture. L'huissier transmet au préfet un dossier complet comprenant :
Une copie du jugement d'expulsion revêtu de la formule exécutoire
Une copie du commandement de quitter les lieux avec la preuve de sa signification
Un procès-verbal de constat établissant que le locataire occupe toujours le logement et refuse de le quitter
Une demande motivée précisant les circonstances de l'expulsion
Les éléments relatifs à la composition du foyer (nombre de personnes, présence d'enfants, état de santé)
Les éventuelles démarches de relogement entreprises par le locataire ou les services sociaux
Le dossier est généralement transmis par voie électronique via une plateforme sécurisée dédiée. Certaines préfectures exigent encore un dépôt physique sur rendez-vous.
Instruction de la demande par la préfecture
Dès réception du dossier, la préfecture vérifie la complétude et la régularité des pièces. Un agent examine :
La validité et le caractère exécutoire du titre (jugement + commandement)
Le respect des délais légaux
L'absence de circonstances exceptionnelles justifiant un refus ou un report
La préfecture peut demander des informations complémentaires à l'huissier, aux services sociaux du département, ou au maire de la commune concernée. Ces échanges peuvent prolonger l'instruction de plusieurs semaines.
Délais de Traitement : Combien de Temps Attendre ?
Délais moyens par zone géographique
Le délai de traitement d'une demande de concours varie fortement selon le département et la période de l'année :
Zone
Délai moyen
Délai maximum observé
Facteurs aggravants
Île-de-France
2 à 4 mois
7 mois
Forte demande, priorités préfectorales
Grandes métropoles (Lyon, Marseille, Toulouse)
6 à 10 semaines
4 mois
Saturation des forces de l'ordre
Villes moyennes
4 à 8 semaines
3 mois
Ressources limitées en zone rurale
Zone rurale
3 à 6 semaines
10 semaines
Faible nombre de demandes
Ces délais correspondent à la période entre le dépôt de la demande complète et la notification de l'accord du préfet avec fixation d'une date d'expulsion. Ils ne tiennent pas compte des délais supplémentaires en cas de refus ou de demande de pièces complémentaires.
Facteurs accélérant ou ralentissant le traitement
Facteurs d'accélération :
Dossier complet et conforme dès le dépôt initial
Absence d'enfants mineurs dans le foyer
Locataire célibataire en bonne santé et en capacité de travailler
Durée importante des impayés (plus de 12 mois)
Dégradations graves du bien constatées par huissier
Comportements troublant l'ordre public (violences, nuisances graves)
Facteurs de ralentissement :
Famille avec plusieurs enfants mineurs
Personne âgée, handicapée ou gravement malade
Période hivernale ou de forte tension sociale
Dossier de relogement en cours d'instruction par les services sociaux
Médiatisation du dossier (risque de troubles à l'ordre public)
Saturation ponctuelle des effectifs de police (événements exceptionnels, plan Vigipirate renforcé)
Impact de la trêve hivernale
Pendant la trêve hivernale (1er novembre au 31 mars), les préfectures continuent d'instruire les demandes de concours, mais ne peuvent fixer de date d'expulsion qu'à partir du 1er avril. Les expulsions déjà programmées avant le 1er novembre sont reportées.
Exception importante : Les expulsions de squatteurs (occupation sans titre ni droit) ne sont pas soumises à la trêve hivernale et peuvent être réalisées toute l'année. En revanche, les locataires titulaires d'un bail, même impayé, bénéficient de la protection de la trêve.
Stratégie optimale : Pour éviter l'impact de la trêve, déposez la demande de concours avant fin juin. Cela permet d'obtenir l'accord du préfet et de réaliser l'expulsion entre septembre et fin octobre, avant le début de la trêve.
Les Motifs de Refus du Préfet
Le préfet peut refuser ou reporter l'octroi du concours de la force publique dans plusieurs situations, bien que les refus définitifs restent rares (environ 3 à 5% des demandes).
Refus pour irrégularité procédurale
Ces refus sont définitifs et nécessitent une régularisation de la procédure avant nouvelle demande :
Jugement non exécutoire : Le jugement n'est pas définitif et ne comporte pas l'exécution provisoire, ou l'appel a suspendu son exécution.
Commandement irrégulier : Le commandement de quitter les lieux comporte des vices de forme substantiels (absence de mention du délai, défaut de signature) ou n'a pas été régulièrement signifié.
Délai non expiré : Le délai de 2 mois accordé par le commandement n'est pas encore arrivé à terme au moment de la demande.
Droits de l'occupant : L'occupant dispose d'un titre valable (bail en cours, droit réel) qui n'a pas été résilié selon les formes légales.
En cas de refus pour irrégularité, l'huissier doit corriger le vice (par exemple, signifier un nouveau commandement régulier) et reformuler la demande. Le délai supplémentaire est généralement de 2 à 4 mois.
Report pour circonstances exceptionnelles
Ces reports sont temporaires (de quelques semaines à quelques mois) et donnent lieu à un réexamen ultérieur :
Situation sociale critique : Famille nombreuse en très grande précarité sans solution de relogement, risque avéré de mise à la rue d'enfants mineurs, personne gravement malade nécessitant des soins à domicile.
Relogement imminent : Le locataire a obtenu un logement social qui sera disponible dans un délai très court (1 à 2 mois). Le préfet reporte pour permettre la transition.
Risque de troubles graves à l'ordre public : Contexte local tendu (mouvements sociaux, tensions communautaires) rendant l'expulsion susceptible de déclencher des violences.
Saturation des capacités d'hébergement d'urgence : Le département ne dispose plus de places d'hébergement d'urgence et ne peut offrir une solution même temporaire au locataire.
Le préfet précise dans sa décision la durée du report et les conditions de réexamen. À l'issue du report, si la situation n'a pas évolué favorablement, le concours est généralement accordé.
Refus implicite et recours
Si le préfet ne répond pas dans un délai de 2 mois à compter du dépôt de la demande complète, son silence vaut refus implicite de concours (article L. 433-3 du CPCE).
Le propriétaire peut alors saisir le tribunal administratif pour contester ce refus implicite. Le tribunal examine si le refus est fondé sur des motifs légitimes ou s'il constitue un déni de droit. En cas d'illégalité, le tribunal peut enjoindre au préfet d'accorder le concours dans un délai fixé.
Cette procédure contentieuse dure généralement 4 à 8 mois, ce qui aggrave considérablement le préjudice du propriétaire. Elle reste heureusement exceptionnelle, la plupart des préfectures répondant dans les délais.
Coûts de la Procédure de Concours
Frais d'huissier pour l'expulsion
Les frais liés à la demande de concours et à l'expulsion physique comprennent :
Procès-verbal de constat : 150 à 200 € HT - L'huissier constate que le locataire occupe toujours les lieux et refuse de quitter.
Demande de concours : 50 à 80 € HT - Préparation et dépôt du dossier auprès de la préfecture.
Expulsion physique : 400 à 600 € HT - Déplacement de l'huissier avec les forces de l'ordre, pénétration dans le logement, établissement du procès-verbal d'expulsion.
Changement de serrure : 150 à 250 € TTC - Intervention d'un serrurier pour sécuriser le logement après expulsion.
Mise sous séquestre des biens : Variable selon le volume - Inventaire, transport et stockage des biens laissés par le locataire (voir section suivante).
Coût total moyen : Entre 1 200 et 2 500 € HT (hors mise sous séquestre), soit 1 440 à 3 000 € TTC. Ces frais sont juridiquement à la charge du locataire expulsé, mais doivent être avancés par le propriétaire.
Frais de mise sous séquestre
Si le locataire laisse des biens mobiliers dans le logement, l'huissier doit procéder à leur mise sous séquestre (généralement dans un garde-meubles). Les coûts dépendent du volume :
Volume de biens
Coût inventaire + transport
Coût garde-meubles (2 mois)
Total
Studio meublé (10-15 m³)
400-600 €
300-400 €
700-1 000 €
T2 meublé (20-30 m³)
700-1 000 €
500-700 €
1 200-1 700 €
T3 meublé (35-50 m³)
1 000-1 500 €
700-1 000 €
1 700-2 500 €
T4 et plus (50-80 m³)
1 500-2 500 €
1 000-1 500 €
2 500-4 000 €
Ces frais s'ajoutent à la dette du locataire mais doivent là encore être avancés par le propriétaire. Après 2 mois de garde, si le locataire ne récupère pas ses biens et ne paie pas les frais de garde, les biens peuvent être vendus aux enchères. Le produit de la vente est affecté au règlement des frais, le solde éventuel étant consigné à disposition du locataire.
Cas Pratiques d'Obtention du Concours
Cas n°1 : Concours accordé rapidement
Situation : M. Rousseau, propriétaire à Bordeaux, a fait signifier un commandement de quitter les lieux le 15 avril 2024 à M. Blanc, locataire célibataire de 35 ans accumulant 9 600 € d'impayés sur 16 mois.
Contexte : M. Blanc travaille en intérim et a les moyens de se reloger. Aucune situation de vulnérabilité particulière. Le délai de 2 mois expire le 15 juin 2024.
Chronologie :
16 juin 2024 : L'huissier constate que M. Blanc occupe toujours le logement et refuse de quitter
18 juin 2024 : Dépôt de la demande de concours en préfecture
25 juillet 2024 : Accord du préfet (délai de traitement : 5 semaines)
12 août 2024 : Expulsion physique réalisée avec police municipale
Résultat : 7 semaines entre l'expiration du délai et l'expulsion effective. Coût total de l'expulsion : 1 650 € (aucun bien à mettre sous séquestre, M. Blanc avait déjà évacué ses affaires).
Facteurs de réussite : Dossier complet dès le dépôt, absence de situation de vulnérabilité, période estivale favorable (hors trêve et sans tension particulière sur les forces de l'ordre).
Cas n°2 : Report pour relogement imminent
Situation : Mme Lefèvre, propriétaire à Nantes, fait signifier un commandement le 10 février 2025 à Mme Duval, mère célibataire avec 3 enfants mineurs (7, 10 et 14 ans), cumulant 6 800 € d'impayés.
Contexte : Mme Duval a perdu son emploi en octobre 2024 et bénéficie du RSA depuis janvier 2025. Elle a déposé un dossier de demande de logement social en novembre 2024 et est suivie par le CCAS.
Chronologie :
10 avril 2025 : Expiration du délai de 2 mois (impact de la trêve : report au 1er avril obligatoire)
15 avril 2025 : Dépôt de la demande de concours
20 mai 2025 : La préfecture contacte le CCAS qui indique qu'un logement social sera disponible début juillet
5 juin 2025 : Le préfet accorde le concours mais reporte l'expulsion au 15 août 2025 pour permettre le relogement
28 juin 2025 : Mme Duval signe le bail du logement social et obtient les clés le 5 juillet
12 juillet 2025 : Mme Duval quitte volontairement le logement de Mme Lefèvre
Résultat : L'expulsion n'a finalement pas eu lieu grâce au relogement. Mme Lefèvre récupère son logement 5 mois après l'expiration du délai du commandement, mais évite les frais d'expulsion physique (économie d'environ 1 500 €).
Poste
Coût avec expulsion forcée
Coût avec départ volontaire
Frais d'huissier (expulsion)
1 850 €
200 € (constat seulement)
Mise sous séquestre
1 200 €
0 €
Remise en état
2 800 €
1 400 €
Total frais de récupération
5 850 €
1 600 €
Le report imposé par le préfet a finalement permis une économie de 4 250 € sur les frais de récupération du bien, même s'il a coûté 3 mois de loyers supplémentaires (2 700 €).
Cas n°3 : Refus pour irrégularité puis régularisation
Situation : M. Garcia, propriétaire à Toulouse, a obtenu un jugement d'expulsion le 20 mars 2024. Son avocat tarde à demander la grosse du jugement. L'huissier signifie finalement le commandement le 15 juin 2024.
Erreur : Le locataire avait fait appel le 15 avril 2024, mais le jugement comportait l'exécution provisoire. L'huissier oublie de joindre la preuve du rejet de la demande de suspension de l'exécution provisoire par le premier président de la cour d'appel.
Chronologie :
16 août 2024 : Dépôt de la demande de concours (délai expiré le 15 août)
10 septembre 2024 : Le préfet refuse le concours, estimant que l'exécution provisoire pourrait être suspendue par l'effet de l'appel
12 septembre 2024 : L'huissier obtient l'ordonnance du premier président confirmant l'exécution provisoire
18 septembre 2024 : Nouvelle demande de concours avec dossier complet
25 octobre 2024 : Accord du préfet
8 novembre 2024 : Date d'expulsion prévue → reportée au 1er avril 2025 (trêve hivernale)
22 avril 2025 : Expulsion physique finalement réalisée
Résultat : Le refus initial pour pièce manquante et l'impact de la trêve ont entraîné un retard global de 8 mois par rapport au calendrier initial. Coût supplémentaire : 8 mois de loyers perdus (7 200 €) + dégradations accrues du bien (1 500 €) = 8 700 € de surcoût lié à l'erreur procédurale.
Leçon : Un dossier incomplet ou irrégulier peut coûter plusieurs mois et plusieurs milliers d'euros. Faites-vous assister par des professionnels expérimentés qui anticipent ces écueils.
Questions Fréquentes sur le Concours de la Force Publique
Oui, mais uniquement si le locataire accepte de quitter volontairement et coopère avec l'huissier. Dans ce cas, l'huissier peut procéder à l'expulsion sans assistance policière, ce qui accélère la procédure et réduit les coûts.
Conditions du départ volontaire :
Le locataire accepte d'ouvrir la porte à l'huissier lors de sa visite
Il remet volontairement les clés du logement
Il évacue ses biens mobiliers ou accepte leur mise sous séquestre
Aucune résistance physique ou verbale n'est opposée
Dans environ 40% des cas, le simple fait de signifier le commandement de quitter suffit à convaincre le locataire de partir avant l'expiration du délai. Dans 20% supplémentaires, le locataire quitte après l'expiration du délai mais avant l'obtention du concours de la force publique, lorsqu'il comprend que la procédure ira jusqu'à son terme.
Ce qu'il ne faut jamais faire :
En revanche, vous ne pouvez jamais procéder vous-même à l'expulsion, même si le délai est expiré et que le locataire semble absent. Seul l'huissier de justice a qualité pour constater la libération du logement et procéder aux opérations d'expulsion.
Toute tentative de forcer l'entrée, de changer les serrures, de couper les fluides ou d'intimider le locataire pour qu'il parte sans intervention de l'huissier constitue une expulsion illégale passible de sanctions pénales (3 ans d'emprisonnement et 30 000 € d'amende selon l'article 226-4 du Code pénal).
Stratégie recommandée :
Pour maximiser les chances de départ volontaire sans concours de la force publique :
Communiquez clairement sur le caractère inéluctable de l'expulsion
Proposez un accord amiable : remise partielle de dette contre départ avant une date donnée
Aidez le locataire dans ses démarches de relogement (contacts avec bailleurs sociaux, associations)
Faites intervenir l'huissier régulièrement pour des constats, ce qui maintient la pression psychologique
Tout doit être formalisé par écrit et validé par l'huissier pour éviter que le locataire ne prétende ultérieurement qu'il y a eu abandon de la procédure d'expulsion.
Un refus du préfet n'est pas une situation sans issue. Votre réaction dépend de la nature du refus : définitif pour irrégularité, ou temporaire pour circonstances exceptionnelles.
1. Identifier la nature du refus
Le préfet doit motiver sa décision de refus. Examinez attentivement les motifs invoqués :
Refus pour irrégularité procédurale : Jugement non exécutoire, commandement irrégulier, délai non expiré, défaut de pièce justificative. Ce refus est définitif jusqu'à régularisation du vice.
Report temporaire : Situation sociale particulière du locataire, relogement imminent, saturation des capacités d'hébergement, risque de troubles à l'ordre public. Le préfet fixe généralement une date de réexamen.
2. En cas de refus pour irrégularité
Vous devez régulariser la procédure avant de reformuler la demande :
Si le commandement est irrégulier : faire signifier un nouveau commandement conforme et attendre l'expiration du nouveau délai de 2 mois
Si le jugement n'est pas exécutoire : attendre qu'il le devienne (fin du délai d'appel, rejet de l'appel, ou obtention de l'exécution provisoire par requête)
Si une pièce manque : la produire rapidement et compléter le dossier
Une fois la régularisation effectuée, votre huissier dépose une nouvelle demande de concours. Le délai de traitement repart de zéro (2 à 4 mois selon le département).
3. En cas de report temporaire
Le préfet indique généralement la durée du report (1 à 6 mois) et les conditions de réexamen. Vous devez :
Patienter jusqu'à la date de réexamen indiquée
Demander à votre huissier de suivre l'évolution de la situation du locataire (relogement effectif, amélioration de la situation)
À l'issue du délai, reformuler la demande ou demander au préfet de réexaminer le dossier
Si, à l'issue du report, la situation n'a pas évolué favorablement (le locataire n'a pas été relogé, sa situation ne s'est pas améliorée), le préfet accorde généralement le concours, sauf circonstances tout à fait exceptionnelles.
4. Contester le refus devant le tribunal administratif
Si vous estimez que le refus est injustifié ou illégal, vous pouvez saisir le tribunal administratif par un recours en excès de pouvoir. Ce recours permet de faire annuler la décision de refus et d'obtenir une injonction au préfet d'accorder le concours.
Les motifs de recours peuvent être :
Refus implicite (absence de réponse dans un délai de 2 mois)
Refus non motivé ou insuffisamment motivé
Appréciation manifestement erronée des faits par le préfet
Détournement de pouvoir (le préfet refuse pour des motifs étrangers à ses attributions)
Important : Le recours contentieux est long (6 à 12 mois) et coûteux (frais d'avocat). Il ne doit être envisagé qu'en dernier recours, lorsque le refus est manifestement abusif et que les autres voies ont échoué.
5. Solution alternative : négocier un départ amiable
Pendant le délai de report ou la procédure contentieuse, vous pouvez proposer au locataire un accord amiable :
Remise partielle de la dette en échange d'un départ avant une date fixée
Aide au déménagement (prise en charge du camion, caution pour le nouveau logement)
Abandon des poursuites pour dégradations mineures
Cette solution, bien que frustrante financièrement, peut vous faire économiser plusieurs mois de loyers perdus et les frais de contentieux administratif.
Une fois le concours accordé par le préfet, l'expulsion n'est pas immédiate. Plusieurs étapes et délais incompressibles séparent l'accord de l'expulsion physique.
1. Notification de l'accord au locataire (J+0 à J+7)
L'huissier doit notifier au locataire la décision du préfet et lui indiquer la date fixée pour l'expulsion. Cette notification se fait par signification d'un procès-verbal d'expulsion à venir, généralement 2 à 3 semaines avant la date prévue.
Le locataire dispose alors d'un dernier délai pour quitter volontairement ou saisir le juge de l'exécution d'une demande de délais supplémentaires (demande qui a peu de chances d'aboutir à ce stade avancé de la procédure).
2. Coordination avec les forces de l'ordre (J+7 à J+30)
L'huissier doit coordonner son intervention avec les services de police ou de gendarmerie. Cette coordination dépend de :
La disponibilité des effectifs de police (plannings, autres interventions prioritaires)
La complexité de l'expulsion (famille nombreuse, risque de résistance, nécessité d'un camion pour les biens)
La distance géographique (en zone rurale, l'intervention de la gendarmerie peut nécessiter plus d'anticipation)
En pratique, le délai entre l'accord du préfet et la date fixée pour l'expulsion varie de 2 à 6 semaines. En région parisienne et dans les grandes métropoles, comptez plutôt 4 à 6 semaines en raison de la saturation des effectifs.
3. L'expulsion le jour J
Le jour fixé, l'huissier se présente au logement accompagné des forces de l'ordre (généralement 2 à 4 agents selon la situation). Le déroulement type est :
8h-9h : Arrivée de l'huissier et des forces de l'ordre sur place
9h-10h : Sommation au locataire d'ouvrir la porte. En cas de refus, les forces de l'ordre procèdent à l'ouverture forcée (éventuellement avec un serrurier)
10h-13h : Évacuation des occupants et inventaire des biens présents. Si le locataire est coopératif, il peut emporter certains biens personnels essentiels
13h-15h : Mise sous séquestre des biens restants (transport vers un garde-meubles) si nécessaire
15h-16h : Changement de la serrure, sécurisation du logement, remise des clés au propriétaire
L'opération dure généralement une demi-journée à une journée complète selon le volume de biens à évacuer.
4. Reports de dernière minute
Même après fixation d'une date, l'expulsion peut être reportée in extremis dans des cas très exceptionnels :
Le locataire produit un certificat médical attestant d'une hospitalisation d'urgence ou d'une impossibilité absolue de quitter pour raison de santé
Un événement imprévu mobilise les forces de l'ordre (attentat, manifestation, catastrophe naturelle)
Le locataire obtient in extremis des délais du juge de l'exécution
Ces reports de dernière minute restent rares (moins de 5% des expulsions programmées) mais peuvent survenir. Dans ce cas, l'expulsion est généralement reprogrammée 2 à 4 semaines plus tard.
Délai total moyen : Comptez entre 3 et 6 semaines entre la notification de l'accord du préfet et l'expulsion physique effective. Ce délai s'ajoute aux 2 à 4 mois de traitement de la demande de concours.
La présence du propriétaire le jour de l'expulsion n'est pas juridiquement obligatoire, mais elle est fortement recommandée pour plusieurs raisons pratiques et stratégiques.
1. Rôle de l'huissier et des forces de l'ordre
L'expulsion est réalisée par l'huissier de justice assisté des forces de l'ordre. Le propriétaire n'intervient pas dans les opérations elles-mêmes (ouverture de la porte, évacuation des occupants, inventaire des biens). Son rôle est celui d'observateur et de bénéficiaire de la mesure.
L'huissier agit en vertu du titre exécutoire (jugement + commandement + concours de la force publique) et non sur instructions du propriétaire. Le propriétaire ne peut pas donner d'ordres aux forces de l'ordre ni à l'huissier pendant l'opération.
2. Avantages de la présence du propriétaire
Réception immédiate des clés : À l'issue de l'expulsion, l'huissier remet les clés du logement (après changement de la serrure par un serrurier). Si le propriétaire est présent, il peut récupérer immédiatement les clés et accéder à son bien. S'il est absent, les clés sont déposées en étude et il doit se déplacer pour les récupérer (parfois sous plusieurs jours).
Constat de l'état du logement : La présence du propriétaire lui permet de constater immédiatement l'état du logement et les éventuelles dégradations. Il peut demander à l'huissier d'intégrer ces constatations dans le procès-verbal d'expulsion, ce qui facilitera les poursuites ultérieures contre le locataire.
Décisions sur les biens laissés : Si le locataire a laissé des biens de faible valeur (vieux meubles, déchets, objets encombrants), le propriétaire peut discuter avec l'huissier de l'opportunité de les mettre sous séquestre ou de considérer qu'il s'agit de déchets abandonnés pouvant être jetés. Cette appréciation se fait au cas par cas et la présence du propriétaire accélère la prise de décision.
Sécurisation immédiate du bien : Une fois l'expulsion réalisée et les clés remises, le propriétaire peut faire intervenir immédiatement des artisans pour sécuriser le logement (condamnation de fenêtres cassées, nettoyage sommaire) et éviter une occupation illégale par des squatteurs.
3. Précautions à prendre si vous êtes présent
Restez en retrait : Ne vous mêlez pas des opérations. Laissez l'huissier et les forces de l'ordre diriger l'intervention. Toute ingérence de votre part pourrait compliquer la situation.
Évitez tout contact avec le locataire : Ne parlez pas au locataire, ne répondez pas à ses provocations. Toute altercation pourrait être retenue contre vous et entraîner des poursuites pour violences ou menaces.
Prenez des photos : Documentez l'état du logement après l'expulsion. Ces photos complètent le procès-verbal d'huissier et constituent des preuves pour chiffrer les dégradations.
Ne touchez à rien : N'entrez dans le logement qu'après autorisation expresse de l'huissier. Ne déplacez aucun bien avant l'inventaire complet.
4. Qui peut représenter le propriétaire ?
Si vous ne pouvez pas être présent personnellement, vous pouvez mandater un tiers pour vous représenter :
Votre avocat ou votre gestionnaire immobilier
Un proche muni d'une procuration écrite
Un artisan (serrurier, entreprise de nettoyage) qui interviendra juste après l'expulsion
Indiquez à l'huissier, quelques jours avant l'expulsion, qui sera présent ou si vous serez absent. L'huissier adaptera alors ses modalités de remise des clés.
5. Situations où votre absence est préférable
Dans certains cas conflictuels ou tendus (menaces du locataire, risque de violences, contentieux particulièrement agressif), il peut être plus prudent de ne pas être présent pour éviter toute confrontation directe. Votre avocat ou un représentant professionnel sera alors plus adapté pour gérer la situation avec recul.
Une fois l'expulsion réalisée et les clés changées, le locataire n'a plus aucun droit d'occuper le logement. S'il revient et parvient à y pénétrer (effraction, clé non restituée), il commet plusieurs infractions pénales et peut être expulsé beaucoup plus rapidement que lors de la première procédure.
1. Qualification juridique de la réoccupation
Le retour du locataire après expulsion constitue :
Une violation de domicile (article 226-4 du Code pénal) : Le logement est redevenu le domicile exclusif du propriétaire après l'expulsion. Y pénétrer sans autorisation est une violation de domicile, punie de 1 an d'emprisonnement et 15 000 € d'amende.
Un squat (article 226-4-2 du Code pénal) : Depuis la loi du 27 juillet 2023, le squat d'un logement est spécifiquement incriminé et puni de 3 ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende.
Éventuellement une dégradation du bien (article 322-1 du Code pénal) : Si le locataire a forcé la porte ou une fenêtre pour entrer, il commet également une dégradation du bien d'autrui.
2. Réaction immédiate : constater et signaler
Dès que vous constatez la réoccupation :
Ne tentez pas d'expulser vous-même : Même si le locataire est en infraction, vous ne pouvez pas le faire partir par la force. Ce serait une voie de fait de votre part, également sanctionnée pénalement.
Faites constater par huissier : Appelez immédiatement votre huissier pour qu'il établisse un procès-verbal de constat de réoccupation illégale. Ce constat est essentiel pour les procédures ultérieures.
Déposez plainte au commissariat : Rendez-vous au commissariat ou à la gendarmerie avec le procès-verbal d'expulsion et le constat de réoccupation. Déposez plainte pour violation de domicile et/ou squat. Insistez sur le caractère pénal de l'infraction.
3. Procédure accélérée d'expulsion
Contrairement à la première procédure d'expulsion qui nécessitait un jugement au fond, commandement de quitter, et concours de la force publique, la réoccupation après expulsion peut être traitée beaucoup plus rapidement :
Option 1 : Flagrance pénale
Si la police intervient alors que le locataire vient juste de réoccuper le logement, elle peut procéder à son interpellation en flagrant délit de violation de domicile. Le procureur peut alors ordonner l'expulsion immédiate dans le cadre de la procédure pénale, sans nouvelle procédure civile.
Option 2 : Référé expulsion
Vous pouvez saisir le juge des référés (tribunal judiciaire) en urgence pour obtenir une ordonnance d'expulsion. Le référé est justifié par le trouble manifestement illicite (réoccupation en violation du procès-verbal d'expulsion). L'audience a lieu sous 1 à 3 semaines, et l'ordonnance est exécutoire immédiatement avec l'aide de la force publique.
Délai total : 2 à 6 semaines entre la constatation de la réoccupation et la nouvelle expulsion, contre 12 à 18 mois pour la procédure initiale.
Option 3 : Réquisition directe de la force publique
Dans certains cas, si la plainte pénale aboutit rapidement et que le procureur saisit le juge pénal, celui-ci peut ordonner l'expulsion immédiate comme mesure conservatoire dans l'attente du jugement pénal. Cette procédure très rapide (quelques jours) reste rare et dépend de la volonté du parquet de poursuivre activement.
4. Prévention de la réoccupation
Pour éviter qu'un locataire expulsé ne revienne occuper le logement :
Changement de serrure immédiat : Dès l'expulsion réalisée, faites changer la serrure (l'huissier s'en charge généralement). Utilisez une serrure de bonne qualité, difficile à fracturer.
Sécurisation des accès : Si le logement a des fenêtres ou portes-fenêtres facilement accessibles depuis l'extérieur, faites-les condamner temporairement ou installez des grilles.
Occupation rapide du logement : Commencez immédiatement les travaux de remise en état ou occupez vous-même le logement temporairement pour empêcher toute réoccupation.
Surveillance : Dans les situations très conflictuelles, demandez aux voisins de vous alerter si le locataire réapparaît, ou faites passer régulièrement quelqu'un pour vérifier.
5. Conséquences pour le locataire
Outre la nouvelle expulsion et les sanctions pénales, la réoccupation aggrave considérablement la situation du locataire :
Impossibilité de plaider la bonne foi ou les difficultés sociales devant le juge
Inscription au casier judiciaire en cas de condamnation pénale
Dommages-intérêts supplémentaires dus au propriétaire pour le trouble et les frais occasionnés
Perte de toute crédibilité pour obtenir des délais ou un relogement par les services sociaux