Vous découvrez que votre résidence secondaire vide depuis 3 mois a été squattée. Des inconnus y vivent, ont changé les serrures et refusent de partir. Jusqu'en 2023, expulser des squatteurs pouvait prendre 6 à 18 mois via une procédure judiciaire classique. La loi anti-squat du 27 juillet 2023, renforcée en octobre 2023, a révolutionné la donne : vous pouvez désormais expulser des squatteurs en 5 à 15 jours maximum en invoquant la violation de domicile. Mais cette procédure accélérée ne fonctionne que si vous agissez dans les 48 heures suivant la découverte du squat et si vous pouvez prouver que l'occupation est manifestement sans droit ni titre. Ce guide détaille la procédure ultra-rapide, les pièges à éviter, et les différences cruciales entre squat et locataire impayé.
Qu'est-ce qu'un Squat ? Définition Juridique
Le squat est l'occupation d'un bien immobilier sans aucun droit ni titre, c'est-à-dire sans bail, sans autorisation du propriétaire, et sans aucun fondement juridique. Cette occupation constitue une violation de domicile, délit pénal réprimé par l'article 226-4 du Code pénal.
Différence fondamentale : Squat vs. Locataire
La distinction entre un squatteur et un locataire est cruciale car elle détermine la procédure applicable :
| Critère | Squat | Locataire (même impayé) |
|---|---|---|
| Titre d'occupation | Aucun - entrée par effraction ou ruse | Bail signé, même expiré depuis moins de 12 mois |
| Procédure applicable | Référé d'urgence + pénal (5-15 jours) | Procédure d'expulsion classique (12-24 mois) |
| Trêve hivernale | Ne s'applique PAS | S'applique (1er novembre - 31 mars) |
| Délai d'action critique | 48 heures pour le constat | Aucun délai critique |
| Coût expulsion | 1 500 - 3 000 € | 3 000 - 5 000 € |
Cas limite important : Un locataire dont le bail est expiré depuis plus de 12 mois et qui continue d'occuper le logement sans payer peut être considéré comme occupant sans droit ni titre et expulsable via la procédure accélérée. Cette qualification dépend de l'appréciation du juge.
Les 3 types de squat
Type 1 : Squat pur (effraction)
- Logement vide depuis plusieurs mois ou années
- Entrée par effraction (porte forcée, fenêtre cassée, serrure crochetée)
- Installation de personnes totalement inconnues du propriétaire
- Exemple : Résidence secondaire squattée pendant l'hiver
Type 2 : Squat par ruse (faux bail)
- Les occupants se font passer pour des locataires légitimes
- Utilisation d'un faux bail ou d'une fausse procuration
- Paiement éventuel d'un "loyer" à un pseudo-propriétaire (arnaque)
- Exemple : Escroquerie à la sous-location sur Airbnb/Leboncoin
Type 3 : Maintien dans les lieux après un hébergement à titre gratuit
- Personne hébergée gratuitement (ami, famille) qui refuse de partir après la fin de l'hébergement
- Aucun bail, mais entrée initiale autorisée par le propriétaire
- Le refus de partir transforme l'hébergement en occupation sans droit ni titre
- Exemple : Ami hébergé 2 mois qui reste malgré une mise en demeure de partir
La Loi Anti-Squat 2023 : Ce Qui a Changé
Avant 2023 : Une procédure longue et complexe
Jusqu'en juillet 2023, expulser un squatteur nécessitait une procédure judiciaire classique :
- Assignation au tribunal judiciaire (délai d'audience : 2 à 6 mois)
- Jugement d'expulsion (3 à 12 mois supplémentaires en cas d'appel)
- Commandement de quitter les lieux (2 mois de délai minimum)
- Demande de concours de la force publique (2 à 6 mois d'attente)
- Durée totale : 9 à 26 mois
Depuis octobre 2023 : Procédure accélérée en 48 heures
La loi du 27 juillet 2023, complétée par le décret d'application d'octobre 2023, a introduit une procédure d'expulsion ultra-rapide fondée sur le délit de violation de domicile.
Nouveaux dispositifs :
- Constat d'huissier obligatoire sous 48 heures : Vous devez faire constater le squat par huissier dans les 48 heures suivant sa découverte
- Référé d'urgence prioritaire : Le juge doit statuer dans les 5 à 10 jours suivant la saisine
- Expulsion immédiate : Pas de délai de grâce, pas de trêve hivernale
- Concours de la force publique automatique : Le préfet ne peut pas refuser son concours sauf cas exceptionnel
- Sanctions pénales renforcées : 3 ans de prison et 45 000 euros d'amende pour les squatteurs (doublé si plusieurs personnes)
Procédure Complète Étape par Étape
Étape 1 : Découverte et réaction immédiate (Jour 0 - 48 heures)
Actions à réaliser dans les 48 heures :
1. Vérifiez que c'est bien un squat
- Consultez votre bail ou votre livre de location : avez-vous autorisé quelqu'un à occuper les lieux ?
- Contactez votre agence immobilière ou notaire : ont-ils loué ou vendu sans vous prévenir ?
- Vérifiez les traces d'effraction (porte forcée, fenêtre cassée)
2. Ne tentez JAMAIS de reprendre le bien par la force
- Interdiction absolue de couper eau, électricité ou chauffage (délit de coupe abusive)
- Interdiction de changer les serrures pendant que les occupants sont absents (risque de condamnation pour violence)
- Interdiction de menacer ou intimider les squatteurs (délit pénal)
- Sanction : Jusqu'à 3 ans de prison et 30 000 euros d'amende pour "voies de fait"
3. Contactez un huissier de justice EN URGENCE
- Demandez un constat de squat avec déplacement sous 24-48 heures maximum
- L'huissier se rend sur place, tente de s'introduire (si possible), photographie les lieux, interroge les occupants
- Coût : 300 à 600 euros selon la complexité du constat
4. Déposez une plainte pénale pour violation de domicile
- Rendez-vous au commissariat ou à la gendarmerie du lieu du squat
- Munissez-vous de votre titre de propriété, du constat d'huissier, et de photos
- Demandez un récépissé de dépôt de plainte (indispensable pour la procédure civile)
⚠️ ERREUR FATALE : Si vous dépassez les 48 heures pour faire constater le squat, le juge pourra considérer que vous avez toléré l'occupation et refuser la procédure accélérée. Vous serez alors contraint de passer par la procédure classique (12-24 mois).
Étape 2 : Saisine du tribunal en référé d'urgence (Jour 2-5)
1. Constituer le dossier avec un avocat
Documents obligatoires à fournir :
- Titre de propriété (acte notarié, attestation de propriété)
- Constat d'huissier du squat (daté de moins de 5 jours)
- Récépissé de dépôt de plainte pénale
- Photos du bien avant et après le squat
- Justificatifs prouvant que le bien était inoccupé (factures EDF au nom du propriétaire, attestation de voisinage)
- Preuve de l'absence de bail (déclaration sur l'honneur + extrait du registre des baux si applicable)
2. Requête en référé d'urgence
Votre avocat rédige une requête fondée sur l'article 835 du Code de procédure civile (trouble manifestement illicite) et la dépose au greffe du tribunal judiciaire.
Fondement juridique : "L'occupation sans droit ni titre d'un bien immobilier constitue un trouble manifestement illicite justifiant l'expulsion immédiate des occupants."
Coût avocat : 1 000 à 2 000 euros selon la complexité du dossier
Étape 3 : Audience de référé et ordonnance (Jour 7-15)
Convocation des squatteurs
Le tribunal convoque les occupants à une audience de référé. La convocation est signifiée par huissier au domicile squatté.
⚠️ Piège fréquent : Les squatteurs refusent souvent de signer l'acte de signification. L'huissier doit alors signifier à personne ou à domicile par procès-verbal de recherches infructueuses. Cela peut rallonger les délais de 5 à 10 jours.
Audience de référé
L'audience dure généralement 15 à 30 minutes. Le juge examine :
- La preuve que vous êtes bien propriétaire du bien
- La preuve que les occupants n'ont aucun droit ni titre (pas de bail, pas d'autorisation)
- Le caractère manifestement illicite de l'occupation (effraction, faux documents)
- Le délai entre la découverte du squat et le constat d'huissier (doit être inférieur à 48 heures)
Arguments des squatteurs (souvent invoqués) :
- "Nous avons un bail verbal" → Le juge exige une preuve écrite
- "Nous payons un loyer à M. X qui se dit propriétaire" → Vous devez prouver que M. X n'est pas le propriétaire et que c'est une escroquerie
- "Nous avons des enfants mineurs" → La protection des mineurs ne s'applique PAS au squat (uniquement aux locataires avec bail)
- "Le logement était abandonné depuis des années" → Cela ne donne aucun droit d'occupation
Ordonnance d'expulsion
Si le juge estime que le squat est caractérisé, il rend une ordonnance d'expulsion immédiate (généralement le jour même ou dans les 48 heures).
L'ordonnance précise :
- L'obligation pour les occupants de quitter les lieux immédiatement
- L'autorisation pour l'huissier de procéder à l'expulsion avec le concours de la force publique si nécessaire
- La condamnation des squatteurs aux frais de justice (rarement recouvrable en pratique)
Étape 4 : Expulsion effective (Jour 15-20)
Signification de l'ordonnance
L'huissier signifie l'ordonnance aux squatteurs avec un délai de 24 heures pour quitter les lieux volontairement.
Si les squatteurs partent volontairement :
- L'huissier constate le départ et dresse un procès-verbal de remise des clés
- Vous récupérez le bien immédiatement
- Coût : 200 à 400 euros (constat de départ)
Si les squatteurs refusent de partir :
- L'huissier demande le concours de la force publique (police ou gendarmerie)
- Délai d'intervention : 48 heures à 10 jours selon la disponibilité des forces de l'ordre
- L'expulsion est réalisée sous la supervision de l'huissier
- Les meubles et effets personnels des squatteurs sont entreposés (à vos frais si les squatteurs ne les récupèrent pas)
- Coût : 500 à 1 500 euros (expulsion forcée + stockage des meubles)
Étape 5 : Sécurisation du bien
Après l'expulsion, sécurisez immédiatement le bien pour éviter un nouveau squat :
- Changement des serrures (200 à 500 euros)
- Installation de barreaux ou de plaques métalliques sur les fenêtres accessibles (500 à 2 000 euros)
- Installation d'une alarme ou de caméras de surveillance (300 à 1 500 euros)
- Occupation régulière du bien (visite hebdomadaire, présence d'un gardien)
Coûts Totaux de la Procédure
| Poste de dépense | Montant | Détail |
|---|---|---|
| Constat d'huissier initial | 300 - 600 € | Constatation du squat sous 48h |
| Avocat (référé d'urgence) | 1 000 - 2 000 € | Rédaction requête, audience, suivi |
| Signification de l'ordonnance | 150 - 250 € | Huissier |
| Expulsion forcée (si refus) | 500 - 1 500 € | Huissier + force publique + stockage meubles |
| Sécurisation du bien | 500 - 3 000 € | Serrures, barreaux, alarme |
| Total | 2 450 - 7 350 € | Selon complexité et résistance des squatteurs |
Durée totale : 10 à 25 jours (contre 12-24 mois pour une procédure classique d'expulsion de locataire)
Erreurs Fatales à Éviter
Erreur 1 : Dépasser les 48 heures pour le constat
C'est l'erreur la plus fréquente et la plus coûteuse. Si vous découvrez le squat un lundi et ne faites intervenir l'huissier que le jeudi (72 heures plus tard), le juge considérera que vous avez toléré l'occupation et refusera la procédure accélérée.
Solution : Dès que vous avez un doute sur une occupation suspecte, faites intervenir l'huissier en urgence. Mieux vaut un constat inutile (300 euros) qu'une procédure rallongée de 12 mois (15 000 euros de perte).
Erreur 2 : Tenter une expulsion par la force
Certains propriétaires, excédés, tentent de reprendre le bien par la force en changeant les serrures ou en coupant les fluides. C'est une faute pénale grave.
Cas réel (Marseille, 2024) : Un propriétaire découvre le squat de sa résidence secondaire. Il coupe l'électricité et change les serrures pendant que les squatteurs sont absents. Les squatteurs portent plainte. Le propriétaire est condamné à 6 mois de prison avec sursis et 5 000 euros d'amende pour "violences" et "coupe abusive de fluides". Il doit en plus remettre les squatteurs dans les lieux et passer par la procédure judiciaire classique (18 mois supplémentaires).
Erreur 3 : Confondre squat et locataire impayé
Si votre "squatteur" est en réalité un ancien locataire dont le bail a expiré il y a seulement 3 mois, ce n'est PAS un squat. La procédure accélérée ne s'applique pas, et votre requête sera rejetée.
Règle : Un locataire conserve un droit d'occupation pendant 12 mois après l'expiration du bail, même sans payer de loyer. Après 12 mois d'occupation sans titre, la qualification de squat peut s'appliquer (appréciation du juge).
Erreur 4 : Négliger la sécurisation post-expulsion
Cas fréquent : Vous expulsez les squatteurs, ne sécurisez pas le bien, et 1 semaine plus tard, de nouveaux squatteurs s'installent. Vous devez recommencer toute la procédure.
Solution : Immédiatement après l'expulsion, changez toutes les serrures, condamnez les accès secondaires, et installez un système de surveillance. Si le bien doit rester vide, faites-le occuper temporairement par un gardien ou proposez-le à la location.
Cas Pratiques 2024-2025
Cas 1 : Résidence secondaire squattée (Nice, novembre 2024)
Situation : Villa secondaire inoccupée depuis 6 mois, découverte du squat le 10 novembre par le voisin qui alerte le propriétaire.
Timeline :
- 10 novembre 14h : Découverte du squat, appel au propriétaire
- 10 novembre 17h : Propriétaire contacte un huissier en urgence
- 11 novembre 10h : Huissier sur place, constat de squat (4 personnes présentes, traces d'effraction sur la porte d'entrée)
- 11 novembre 14h : Dépôt de plainte au commissariat de Nice
- 12 novembre : Contact d'un avocat, constitution du dossier
- 14 novembre : Requête en référé déposée au tribunal de Nice
- 22 novembre : Audience de référé, ordonnance d'expulsion immédiate rendue le jour même
- 23 novembre : Signification de l'ordonnance aux squatteurs (refus de partir)
- 25 novembre : Demande de concours de la force publique
- 28 novembre : Expulsion effective avec intervention de la police
Résultat : Expulsion réalisée en 18 jours. Coût total : 3 200 euros (huissier 800€, avocat 1 600€, expulsion 800€). Villa sécurisée et remise en location dès décembre.
Cas 2 : Arnaque à la sous-location (Paris, janvier 2025)
Situation : Propriétaire d'un T2 à Paris 11e, loué en Airbnb. Un "locataire" réserve pour 1 mois via la plateforme, paie normalement, mais refuse de partir après 1 mois. Il prétend avoir signé un bail de 12 mois avec un pseudo-propriétaire et refuse de quitter les lieux.
Timeline :
- 5 janvier : Fin de la réservation Airbnb, l'occupant refuse de partir
- 6 janvier : Huissier sur place, constat que l'occupant présente un "bail" signé par une personne qui n'est pas le propriétaire (faux)
- 6 janvier après-midi : Dépôt de plainte pour escroquerie et violation de domicile
- 7 janvier : Requête en référé (squat par ruse)
- 14 janvier : Audience, le juge constate que le bail est un faux (signature falsifiée, le pseudo-propriétaire n'existe pas)
- 15 janvier : Ordonnance d'expulsion + signalement au procureur pour escroquerie
- 16 janvier : Expulsion volontaire de l'occupant (menace de poursuites pénales)
Résultat : Expulsion en 11 jours. Coût : 2 100 euros. L'occupant fait l'objet de poursuites pénales pour escroquerie (procédure en cours).
Cas 3 : Hébergement à titre gratuit devenu squat (Lyon, décembre 2024)
Situation : Propriétaire héberge gratuitement un ami pendant 3 mois (septembre à novembre). Le 30 novembre, il demande à l'ami de partir. L'ami refuse et continue d'occuper le logement.
Piège : Le propriétaire a laissé l'ami occuper pendant 3 mois sans formaliser l'hébergement par écrit. L'ami prétend avoir un bail verbal.
Timeline :
- 30 novembre : Demande verbale de départ, refus
- 1er décembre : Envoi d'une mise en demeure de quitter les lieux par LRAR
- 10 décembre : L'ami refuse toujours de partir, constat d'huissier
- 12 décembre : Requête en référé pour occupation sans droit ni titre
- 20 décembre : Audience - débat sur l'existence d'un bail verbal
- 22 décembre : Le juge rejette l'existence d'un bail (absence de loyer, absence d'écrit), ordonne l'expulsion
- 28 décembre : Expulsion volontaire après signification
Résultat : Expulsion en 28 jours (délai rallongé par le débat contradictoire sur le bail verbal). Coût : 2 400 euros.
Leçon : Toujours formaliser un hébergement à titre gratuit par une convention écrite précisant la durée, l'absence de loyer, et l'obligation de quitter les lieux à la fin de l'hébergement.